Docteur Mohammed MRAIZIKA
Le 30 Septembre 2011
L'exclusion, sous toutes ses formes, économique, sociale, politique ou culturelle, est «une dépossession, une perte des liens et des repères, une perte de l’estime de soi ». Une personne en situation d'exclusion se retrouve souvent «en dehors et en marge, des règles» (précise le SAMU Social français). Mais, quand cette exclusion frappe une frange entière (5 millions d’individus) de la population d’une nation, quand elle a pour finalité de nier à ses membres un droit légitime - le vote et l’éligibilité - et de les écarter du champ de la citoyenneté et de l’égalité, elle atteint l’inacceptable.
Notre pays, le Maroc, se prête à entrer le 25 Novembre (2011) dans une élection importante, la première de l’ère inaugurée par la nouvelle constitution. Mais, en même temps, son gouvernement et sa classe politique se préparent, avec une certaine indifférence et légèreté, à exclure de cette même élection plus de 11% de sa population. Ces exclus, ces « dindons de la farce» électorale ont pour nom : les Marocains Résidant à l’étranger (MRE).
Et pourtant. Les MRE ne représentent pas une catégorie de population défaillante à risque, une «diaspora» hostile et fermée sur elle-même, un corps malade et étranger à exclure du tout national pour préserver sa tranquillité et sa cohésion. Bien au contraire. Les MRE, cette composante (11%) de la population nationale, active et dynamique, est une source inestimable de compétences, de savoir-faire et de devises. Elle permet à ce tout national, (au-delà de la famille et du village) de s’assurer, dans une conjoncture économique mondiale difficile, un développement économique et humain certains. Leur présence massive à travers le monde, constitue un autre atout déterminant (diplomatie parallèle) pour la promotion des intérêts supérieurs de la nation.
Les inclure dans les processus économiques est indéniablement une démarche pragmatique et utile. Les exclure délibérément du champ politique est une manière peu intelligente et peu démocratique, qui ne sert aucunement l’intérêt du pays. Les MRE sont donc en droit de s’interroger sur les véritables motifs de cet acharnement et cette obsession qui visent à les mettre hors-jeu le 25 novembre prochain. Quel pays au monde peut-il aujourd’hui se payer le luxe de priver près de cinq millions de ses nationaux de l’exercice de leurs droits politiques et civiques après qu’il les a solennellement proclamés ?
Quelle autre diaspora au monde peut accepter d’être éternellement exclue de la presque totalité des Conseils d’Administration des institutions chargées de gérer ses dossiers et ses affaires ?
Les exemples qui illustrent cette relation assez paradoxale entre « l’inclusion-exclusion », dont les MRE sont victimes, sont nombreux et symptomatiques. Pratiquement, toutes les politiques publiques destinées aux MRE, affichent une même prétention : les inclure- et donc les intégrer- dans le processus économique. Mais, comble du paradoxe, ce sont de véritables stratégies d’obstruction et de blocage qui sévissent chaque fois que la question de leur participation politique et citoyenne est posée. Est-il nécessaire de rappeler ici les termes du discours royal de novembre 2005 et d’inventorier les acquis fondamentaux et les espoirs immenses qu’il a suscités ?
Est-il utile de rappeler cet autre épisode marquant de la politique de marginalisation et d’humiliation des MRE, que symbolise le CCME ?
Quatre longues années de « vaches maigres » se sont écoulées depuis la création de ce CCME, en 2007, au cours desquelles s’est développée une vraie campagne de dénigrement de l’idée même de la participation des MRE à la vie politique nationale. Et si les deux derniers discours royaux (des 09 mars et 20 août 2011) ont ravivé de nouveau l’espoir et si la constitutionnalisation (articles 16-17-18) des droits MRE a marqué un pas gigantesque sur la voie de la « normalisation » et de la reconnaissance de la légitimité de cette participation, la machine semble, en dépit du bon sens, de nouveau grippée.
La concrétisation (lois organiques) des principes et droits annoncés par la nouvelle constitution tarde, en effet, à venir et ce ne sont pas les quelques propositions (vote par procuration), bien timides, qui circulent qui combleront le préjudice politique que subiront les MRE du fait de leur exclusion des prochaines opérations électorales. Est-ce que les MRE vont rester éternellement des « citoyens de seconde zone », bercés par un discours inclusif de pure circonstance ?
L’Etat marocain n’a-t-il pas aujourd’hui une occasion idéale pour tourner, une fois pour toute, la page de l’exclusion des MRE afin de pouvoir s’atteler à leur inclusion dans le processus de démocratisation du système politique national ?
N’est-il pas risqué de continuer à porter atteinte à leur dignité de citoyens ?
Les «ennemis de la démocratie, les défaitistes et autres nihilistes» (cf. Discours Royal du 20 Août 2011) veillent toujours au grain et ils feront tout pour que la question de la représentation parlementaire des RME revienne à la case départ, à l’année zéro de leur histoire politique et institutionnelle. Faut-il laisser ces «ennemis de la démocratie» agir en toute impunité et ainsi jeter le discrédit sur tout le processus démocratique amorcé le 1er juillet ?
Notre pays ne doit pas tolérer ces dérives. De même, il ne peut pas se permettre une rupture, une dissolution des liens ou l’exaspération des relations avec l’une de ses composantes les plus attachées aux valeurs de démocratie et d’égalité qu’il espère faire siennes. Pour les MRE, voter ou ne pas voter n’est pas un simple choix cornélien, mais une affaire de dignité et de justice.
Le 30 Septembre 2011
Docteur Mohammed MRAIZIKA
Chercheur
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